vendredi 17 décembre 2021

Odyssée 21 (jour 4) : Du flan, de la glace et de la boue

 Joe Dassin a dit : "Les matins se suivent et se ressemblent". Notre amour de l'Odyssée n'a pas fait place au quotidien, mais c'est vrai qu'un certain schéma se répète chaque jour, dès potron-minet:

  •          on se réveille
  •          on se prépare
  •          on prend le petit déjeuner qui est composé de baguettes, confiture, café
  •          on attend Fab
  •          on y va

On n'a pas l'air faits pour vivre ensemble ?

Ce matin-ci ne fait pas exception à la règle. Non, je déconne, le fait notable de ce matin est que même Fab est prêt quand on souhaite démarrer et on donc on lance assez tôt. Bon, ok, je vous rassure, il est bien sûr d’abord passé par sa phase je sors tout, je rerange tout habituelle, mais rapidement.


Mes affaires avant le départ

Les affaires de Benji

Les affaires de Fab

Le début étant toujours sur la trace de la French Divide, et pas trop pentu, on arrive très vite à Charleville-Mézières. Francky nous a bien fait une petite crevaison histoire de pas y arriver trop vite quand même, et on en profite pour se photographier devant le paysage qui est beau, en vrai. Ou alors c’est nous. J’sais pas.

Tellement anecdotique que ça l'amuse

Non, en fait je sais, c'est nous qui sommes bogossssss

On arrive donc vite à Charleville-Mézières, disais-je. Cette étape est un peu à l’inverse de celle de la veille : le début est plutôt tranquille et toutes les difficultés sont à la fin (voir le profil). La trace étant prise en sens inverse, on se retrouve à passer par quelques rues à sens unique. Les voitures ne nous en tiennent par rigueur, par contre on se fait houspiller par quelques piétons.

On décide de s’acheter un sandwich car par la suite on va se trouver dans des coins bien paumés. On trouve une boulange qui fait un menu sandwich plus dessert, et nous sommes nombreux à prendre l’option flan pour le dessert. On ne sera par contre pas nombreux à l’emmener jusqu’au repas : ce n’est pas facile à transporter, et ça donne trop envie.

Ce passage à la boulangerie nous permet de constater que les Carolomassériens ne sont pas hyper sympas. En effet, alors que 2 ou 3 d’entre nous sont à l’intérieur pour commander pour tout le monde, un indigène entre et s’exclame, énervé « oh y’a trop de monde ici ! ». Il lui suffisait d’attendre dehors, en fait...

Et pour vous ce sera quoi ?

Le menu du jour

Pendant ce temps, je garde les vélos avec Francky, et Cyrille discute avec des clochards pour leur demander si le business de la manche est prolifique dans le secteur. Il semblerait que non.

Garde-vélos

On s’arrête à la place Ducale, que Cyrille voulait absolument visiter pour prendre en photo en guise de dédicace à des amis à lui, et il faut reconnaitre que ça a du charme.

Place Ducale côté pile

Place Ducale côté face

En sortant de la ville, on commence en effet les choses sérieuses, avec une grosse côte en 2 parties qui nous fait grimper plus de 200m de D+. Elle est d’autant plus sérieuse qu’on sort des routes bitumées pour passer à des chemins pierreux, où il faut parfois bien choisir où on pose les roues pour éviter de riper. Heureusement, il fait beau mais pas trop chaud, donc ça reste agréable à monter, mais même en montant à l’économie, on est obligés quand même de taper dedans pour arriver au bout. Une fois fait, on s’arrête pour manger le sandwich, enfin... on s’arrête dès qu’on trouve un endroit suffisamment confortable selon les critères de Faby, c’est-à-dire qu’il y a un banc ou un truc équivalent. On trouve un amas de tronc qui permet à tout le monde de se poser peinard.

On se croirait en amphi

On mange donc notre sandwich, et, pour ceux qui l’ont transporté jusque-là, notre dessert.

Après le repas, ça reprend sur de la descente, et on est très vite stoppés car Benji crève, piégé par une épine d’acacia selon l’arboriste du groupe (Cyrille). Il s’agit du pneu qui a déjà crevé, donc chambré, car surement que sur du tubeless ce serait passé inaperçu.

Pendant que Benji répare, Fab en profite pour rafistoler le vélo de Francky (resserrage de pédalier et rilsan pour mieux aménager le passage de durites).

Benji, en forme mais crevé

À peine repartis, Cyrille constate que la vis de son porte bagage a encore cédé. Il essaie d’alléger son chargement en bricolant un truc avec des élastiques. Ce n’est pas très convaincant, mais pour le moment ça tient à peu près.

T'inquiète mamie, je gère

On rentre dans une forêt qui borde un lac, et Fabrice croise quelqu’un qu’il interpelle afin de lui demander où on pourrait manger des glaces. En effet, depuis que sur la place Ducale il a vu un camion de chez Martinez, le célèbre glacier qui étend son empire sur toutes les Ardennes et la Picardie, il ne rêve que d’une glace. Le promeneur lui indique qu’on peut en trouver à la plage du lac qui se trouve à environ 500m, et notre chien fou ne tient plus en place. Du coup, on accepte de ne pas suivre la trace rigoureusement et de longer le lac afin d’être certain de ne pas rater la plage, et donc découvrir enfin les glace de chez Martinezzzzz (prononcez bien le zzzz à la façon mexicaine des pubs old el paso).

Deux kilomètres plus tard, toujours pas de plage... enfin, pas de notre côté. On en voit bien une, mais elle est de l’autre côté du lac, donc si elle est à 500m, c’est à vol d’oiseau (ou en pédalo).

C’est donc avec le cœur brisé que Fab passera par les différentes étapes du deuil :

  •          d’abord, le déni « non mais y’en a forcément une autre de ce côté-ci »
  •          puis la colère « l’enfoiré, il aurait pu nous dire que c’était l’autre côté »
  •          vient ensuite le marchandage « copain, vient on y va quand même, c’est pas loin, j’suis sûr que c’est en parallèle de la trace »
  •          pour passer à la dépression « je suis triste »
  •         puis l’acceptation (mais toujours un peu triste quand même) « bon d’accord, mais je suis triste »

Les vingt derniers km de la journée sont bien difficiles et nous laissent augurer une journée du lendemain bien ardue : les terrains sont très boueux, gras, on s’enfonce et ça colle. Le long du lac, il y a avait aussi des flaques, mais elles étaient peu profondes et le sol autour était correct. Mais là, sur plusieurs chemins que nous avons pris, la flaque faisait toute la largeur du chemin et s’enfoncer dedans pouvait mener à se bloquer en plein milieu.

C'est gras

Un cueilleur de champignon

On attend encore un moment Fabrice et Cyrille qui ont dû de nouveau bricoler le porte-bagages de l’ainé des deux. Cette fois, c’est avec un extenseur du fab qu’ils essaient de maintenir le truc en suspension. Ça bouge, mais ça frotte plus, c’est déjà ça. Cyrille étudiera cela plus attentivement ce soir.

Vous la sentez la grosse sérénité sur le visage ?

Pendant que nos deux compères faisaient cette réparation, on a pu discuter avec un cueilleur de champignons qu'on croise sur un chemin étroit. Il nous explique les différentes espèces qu'on ramasse dans le coin, que j'ai évidemment déjà oubliées. Cyrille nous propose d'aller en cueillir pour nous faire une poêlée ce soir, et se vexe lorsque je lui dis que je n'en mangerais pas. Le gars, il fait descendre en rappel des gens avec des cordes absolument pas adaptées, et il croit que je vais bouffer des champis sur base d'un "fais moi confiance"? 

Les dernières difficultés ne sont pas de tout repos. Lorsqu’on n’est pas dans les bois sur le type de chemin décrit précédemment, on est dans des champs avec des hautes herbes qui viennent s’entourer dans les dérailleurs (préalablement mouillés et garnis de boue).

Les deux dernières difficultés sont suffisamment pénibles pour que nous décidions d’éviter la dernière bosse du parcours (nommée poétiquement « la bite »... oui, je sais, c'est de plus en plus élégant) car celle-ci est vraiment gratuite : on fait un petit détour par rapport à la ligne directe vers notre logement juste histoire de se faire du mal. Il faut quand même s’économiser, on a encore 3 jours à faire derrière, et comme dit précédemment, on sent que le lendemain ne va pas être de repos au vue de la qualité des chemins ardennais et de la météo qui est annoncée.

On arrive à notre logement chez Luce et Pierre-Etienne. Ce dernier fait une apparition très théâtrale, avec la porte de garage s’ouvrant doucement, laissant entrevoir en premier lieu son sarong, puis le bas de sa longue barbe blanche, pour enfin le dévoiler en entier, la touche finale étant son catogan de babos. Leur accueil est chaleureux, et ils nous prêtent volontiers un tuyau d’arrosage afin que nous puissions nettoyer nos vélos dans le caniveau : ils sont blindés de terre, et on ne veut pas repeindre en marron le trottoir des voisins en contrebas.

On est contents de pouvoir laver les biclous, ça peut paraitre mesquin ou puéril pour les non-initiés, mais en fait ce n’est pas pour l’aspect esthétique. Comme je l’ai sûrement plusieurs fois précisé sur ce blog, il est important de ne pas laisser la saleté s’accumuler dans les transmissions. Au-delà du bruit insupportable, ça nuit au bon passage des vitesses, ça use prématurément et cela peut même entrainer de la casse. Donc un des moyens de s’assurer qu’on va au bout, en plus de ménager nos muscles, c’est de ménager nos montures.

Une fois les vélos lavés, on les entrepose dans le garage et on découvre le lieu. On comprend vite l’appellation qui lui est donnée, le Guingois, car les velux sont de traviole et le sol penche sérieusement. Toutefois, c’est rénové avec goût et c’est très joli. Coté déco, elle ne laisse pas indifférent : on aime ou on n’aime pas

Un peu punk

Un peu goth

Pour cette nuit, on est censés tous dormir dans un dortoir, mais comme il y a un clic-clac dans la pièce à vivre à l’étage en dessous, on convient d’y exiler Benji. On se répartit le reste des lits. Fab et moi nous dévouons pour partager un lit double.

Le dortoir de boyz band

Le clic-clac du ronfleur

Pierre-Etienne nous offre une bière, et par la suite on enverra le Chef lui en racheter d’autres, car la bière c’est important. Dave nous expliquera qu’il a pu découvrir la vie secrète, faite de bières planquées, de notre hôte.

Le repas est très bon : une part de tarte aux maroilles pour commencer, puis un gratin dauphinois avec une merguez, un très bon plateau de fromage et une très bonne tarte à la rhubarbe pour le dessert. Le tout est accompagnée d’une bouteille de vin rouge que Faby qualifiera de « piquant ». Puis Pierre-Etienne nous rejoint pour nous offrir la goute, à savoir de la poire williams. Certains regretterons de ne recevoir qu’un verre. Ma faculté à ne pas tenir l’alcool fort s’en réjouira.

A la tienne Pierre-Etienne

Nous papotons avec notre hôte, qui nous sermonne ses préceptes de vie un peu babacool, parmi lesquels le fait qu’il faille jeuner de temps en temps et surtout ne pas prendre de petit déjeuner. Il achève de me saouler en me prenant pour exemple en indiquant que je fais clairement partie des gens qui petit-déjeunent et que ça se voit. J’ai bien envie de lui proposer de venir gravir « la bite » à vélo avec moi afin qu’on voit lequel des deux finit le premier en haut, mais ma politesse et ma bonne éducation font que je me contente de sourire poliment et hypocritement.

À l’issue du repas, on est un peu fatigués, mais on décide malgré tout de faire un poker menteur, histoire que Cyrille ne transporte pas les dés pour rien. La partie est remportée par Francky le sniper qui nous aura tous brain les uns après les autres. Puis tout le monde va se coucher et je pense qu’on s’endort tous très vite.

Durant la nuit, il pleut sur notre velux ouvert (mais conçu de telle manière qu’il ne peut pas nous pleuvoir dessus, selon notre expert en charpenterie, à savoir Faby). Je songe à l’état des chemins qui nous attendent demain, et me dépêche de m'endormir avant que cette pensée ne m’obsède.

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Le profil de la trace prévue

Le profil du trajet effectif

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