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Au resto |
On se
remet en
route repus et on se met à la recherche du bouclard de Dinan. Je suis
plutôt
confiant : des tiges de selles ils en ont toujours, il n'y a que 3
diamètres différents et celui de Benji me semble être le plus répondu :
il y aura ce qu'il faut. Bin pas forcément en
fait... Quand Benji ressort du magasin, il a un truc dans les mains mais
semble
sceptique. « C’est le seul truc qu’il a, ou une espèce de machin avec un
ressort ». Par chance, le seul modèle à peu près sérieux du vélociste
est
exactement du diamètre du cadre de Benji. On a de la chance dans notre
malchance.
Néanmoins Benji est saoulé et en a un peu marre des galères, il a envie
de
rentrer. En plus, il constate qu’il a perdu complétement la barre de
soutient
de son super mega ultra génial porte-bagage de la mort qui tue, et que
du coup
les montants latéraux risquent de se promener un peu trop. La cocotte
commence à
être pleine pour notre Benjou et on devine la fumée qui sort des
oreilles.
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Je remonte la selle pendant que Benji rumine |
Nous
voilà
repartis en direction de notre prochaine souffrance : la deuxième saleté
du
jour. On avait évoqué un temps de prendre le funiculaire pour grimper en
haut
de la falaise de Dinan et très vite on se dit que cela aurait été une
bonne
idée. Si sur le papier la précédente semblait plus dure, celle-ci est
plus
longue, avec des passages raides où il est nécessaire de s’entraider
pour
passer les vélos. Très vite les fourmis se mettent en ordre de marche et
on se
relaie pour tracter les machines. Un qui monte à vide, attrape le guidon
d'un vélo qui est poussé par un autre, et on recommence. Ca tire sur
les mollets car les pentes sont raides et glissantes, les vélos sont
lourds, les sacs encombrants. Chacun contribue à transporter le matos de
toute la troupe. On disputera à la fin Faby et David qui ont
trop forcé alors qu’ils sont physiquement endommagés. À partir de
maintenant
les éclopés ne doivent pas forcer lors des portages !
Une
fois qu’on
est en haut, on se dit qu’il ne reste plus grand chose, et c’est vrai
qu’il ne
reste plus grand chose. Les 15 derniers kilomètres sont "quasi" à plat
(surtout si on les compare aux 2 saletés où on a porté/poussé/lancé les
vélos). À plusieurs reprises, Benji qui dispose sous
ses yeux du profil, nous dit que celle-ci c’était la dernière. Et à
chaque fois
il y a un petit coup de cul encore derrière. Comme déjà dit hier, les
derniers
kilomètres sont toujours les plus durs. Chaque fois que Benji annonce
qu'on vient de faire la dernière, Francky commente d'un "jusqu'à la
prochaine". Faby dirait qu'il râle. Moi je dirais juste qu'il est peu
caustique.
Vers
18h30, il reste une dizaine de bornes et il est clairement trop tard
pour espérer
arriver à temps pour le repas, je préviens l’auberge et Benji active le
plan
pizzas. De toute façon ils avaient pas l'air sympa à cette auberge, et
vu qu'on est en gite ce soir, on pourra faire réchauffer sans soucis.
À un
moment
donné, enfin, on en est tous convaincus, il ne reste que 6-7 km de plat
et de
descente, et en plus cela se fait en forêt. On va pouvoir terminer ce
trajet sur du fun forestier, et on espère arriver avant la pluie et
19h30. Sauf qu’en fait cette partie du GR qui longe la Lesse devient
exclusivement piétonnière. Comme parfois la Lesse vient lécher les
rochers, le
chemin grimpe en escalier (plus ou moins naturel à base de pierre,
racines, bouts de bois) sur le rocher pour redescendre en escalier (du
même accabit que celui qui monte), et à
plusieurs reprises on doit porter les vélos pour grimper (et donc pour
descendre). Là-dessus, il se met
à pleuvoir, et les marches deviennent hyper glissantes. Pour couronner
le tout,
les passages entre les rochers se font au milieu des ronces et des
orties.Ces cinq derniers kilomètres se présentent bien.
Après
un escalier
particulièrement sévère, où je porte bien mon vélo pour l’épargner, je
sens un
frottement quand je le fais rouler. Je regarde de plus prêt et il me
semble que
mon porte-bagage touche ma roue. En effet, j’ai perdu une vis. Celle-ci
sert à
faire le pivot de réglage et j’avais conseillé à Fab la vielle de ne pas
la
serrer trop fort : de toute façon elle dispose d’un écrou bloqueur, inutile de serrer comme un fou et de risquer d'abimer le matos. Bien
joué Fabbri ! Malgré l'écrou bloqueur, les vibrations ont dues désserer
le boulon et la vis s'est fait la malle. Je recherche un peu l ‘objet
manquant, mais c’est peine
perdue... Me voilà à nouveau dans une belle situation...
Mais il s'avère que des ennuis de porte-bagages, j'en avais eu avant le départ. Cinq jours avant de partir, j'avais constaté que mon porte-bagage était abimé à un endroit : la patte où passe justement cette même vis que je viens de perdre, était fendue. Peut-être était-ce justement lié à un serrage de vis trop appuyé. Peut-être c'est juste un défaut. Quoiqu'il en soit, je l'avais constaté suffisamment tôt pour me poser la question de réparer ou remplacer. Ne voulant prendre aucun risque avec le matos avant l'Epopée (le nez fin ou l'habitude de la lose), j'avais racheté un nouveau porte-bagages, similaire au précédent. Mais échaudé par cette découverte des derniers jours, je m'étais dit que je n'étais pas à l'abri d'un autre soucis de porte-bagage, et j'avais donc démonté des morceaux du précédents, compatibles avec le nouveau, pour les embarquer avec. Parmi ce morceau : la fameuse vis que je viens de perdre., ainsi que son
écrou !!! Enorme !!! Je suis partagé entre l’agacement d’avoir à nouveau une couille
matérielle et le bonheur d’avoir contré la guigne. Décidemment, je ne suis pas
un veinard (sans pour autant être mega poissard non plus, il faut reconnaitre
que ce ne sont que des petits malheurs), et cela donne raison à mes
préparations qui semblent parfois excessives. Quand on n’est pas un chanceux
naturel, on compense par de l’organisation. Je sors la vis de mon sac, l’embrasse, la lève tel un trésor sorti du coffre dans Zelda,
et l’installe.
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Et cette fois je sers comme un poney |
Benji et Faby
décident de continuer en avant. Faby parce qu’il ne souhaite pas que son tendon
refroidisse, Benji parce qu’il en a plein le sac et qu’il souhaite que Marie
n’attende pas trop longtemps seule. On leur accorde notre bénédiction. Francky et
Dave me donnent un coup de main pour réparer mon porte-bagage et on peut
remettre en route. S’enchaine alors une succession d’escaliers, de descentes
dans la boue impraticable aussi bien sur le vélo qu’à pied, des passages qui
n’en sont pas, bref, du vrai bonheur pour une rando pédestre, mais certainement
pas pour des cyclistes avec bagages.
Dois-je
rappeler
qu’il pleut ? Ça n’arrange en rien notre situation. Je vois sur le
visage
de Francky qu’il en a plein le dos. Dans un passage entre orties il se
rate et
tombe dedans. Même sur le plat il y a régulièrement des troncs qu’il
faut
franchir. Le paysage est néanmoins magnifique, la brume s’élevant de la
Lesse
lui donnant des aspects Loch Nessiens. David nous indiquera à l’arrivée
qu’il a
pris du plaisir à contempler ces paysages. De mon côté je rumine encore
la
perte de la vis, me demandant comment je vais réussir à aller au bout
avec
toutes ces tuiles. Et puis je vois la trogne de Francky et je me demande
comment faire pour que tout le monde aille au bout parce que là je sens
bien
qu’on est proche de la rupture. Surtout qu’on arrive à présent à un
étroit pentu
escalier de fer avec rembardes où on ne peut passer à côté de son vélo. Francky et moi
ferons
donc 3 allers-retours pour épargner la corvée à David, qui veut
pourtant absolument porter
sa charge, mais qui doit vraiment éviter d'en rajouter sur sa cotelette.
Vache ! On se demande quand ça va finir.
Je vois encore 3 km
jusque destination et croise les doigts pour que les 2 derniers soient
plus
cléments. Sur le GPS, ça semble être le cas, mais en attendant on doit
encore
sortir de la forêt. Soudainement, on entend un cri provenant d'un peu plus loin. On
reconnait la voix de Benji qui hurle « Putain j’en ai
marre !!! » mais on n’est pas sûrs d’avoir bien entendu. Peut-être
était-ce un cri de délivrance ? Quand on arrive peu après à une échelle
(oui,
une échelle, le truc vertical), on comprend que ce n’était pas une
délivrance.
Heureusement elle ne fait que 2m, 2m50 de haut et il nous est possible
de se
passer les vélos sans devoir les jeter ni démonter les bagages. Mais si
une plus haute devait se présenter à nous, je ne sais
pas ce qu’on pourrait faire.
A ce moment-ci de l'histoire, voici la situation de nos protagonistes :
- A l'avant, Benji en avait déjà plein le sac avant d'entrer dans la forêt suite à sa casse de selle et à la perte d'un bout de son porte-bagage wallégéne magique tchic-tchac go. Il a envie de retrouver sa copine, et peut-être de repartir avec
- Avec lui, il y a Fab avec une côte cassée et un tendon d'achille qui siffle de plus en plus fort
- Dans le groupe arrière, il y a Francky qui a de plus en plus la tête de celui qui se demande ce qu'il fout là
- David semble zen, mais il a une côte en moins et semble boitiller un peu. En effet, il n'a pas assez redescendu sa selle quand il a récupéré son vélo et il s'est peut-être abimé un peu le tendon rotulien
- Et il y a moi, Mister Guigne, qui se demande si je ne vais pas devoir finir cette Epopée à pied tant le matos semble vouloir ne pas tenir
Il arrive
toujours un moment où tu te demandes si tu dois continuer ou rebrousser chemin.
Le GPS indique 2km 5 à faire, ça donne envie d’avancer, mais si ça devait
devenir pire ? Si on devait croiser un échelle de plus de 3 mètres ? Si le chemin devait s'arrêter ? On pourrait toujours essayer de traverser la Lesse à gué, au point où on en est...
Par
chance, un pont se présente à nous et nous fait
traverser la rivière. À partir de là, le chemin redevient large et
roulant, on
peut enfin quitter la forêt et entrer dans Houyet. On est bloqué par un
train traversant la voie ferrée et Francky se réjouit qu’une gare soit
toute proche de nous. Je lui demande la raison, et il m’indique qu’en
tant qu’employé
SNCF il dort toujours mieux avec un train à proximité. Je comprends plus
tard
qu’en fait il envisageait le fait de quitter l’aventure.
On
arrive au gîte
où nous attendent nos deux poissons pilotes (qui en fait nous
devançaient au
mieux d’une ou deux minutes), Marie et son fils, ainsi que la
propriétaire du gîte.
Celle-ci explique à Marie les différentes modalités, car elle semble
prendre
conscience qu’aucun des rouleurs n’est vraiment en mesure de bien
écouter ce
qu’elle a à dire. On est tous exténués, les jambes déchirées par les
ronces, complétement trempés. Faby m’indique
que Benji était proche rupture et a vraiment exprimé son ras le bol. Il
aurait limite balancé son vélo au niveau de l'échelle. Par contre il se
marre en me montrant qu’il y a un camion à pizzas stationné
juste devant le gite. Bon, on
ne pouvait pas deviner, mais c’est vrai que c’est rigolo.
Je téléphone à
Zouzou pour la rassurer car elle cherchait à me joindre depuis un moment, et en
même temps que je lui parle, je regarde les troupes. Je vois effectivement que
Benji ne rigole pas du tout. Francky a également le masque. Faby boitille. Seul
David me semble serein. Dire que demain nous attend la pire des étapes. Presque
80 bornes, plus de 1500 m de D+... Et en plus il va pleuvoir. Si par malheur le
début du chemin est similaire à ce qu'on vient de faire, on va perdre tout le monde.
Tout en discutant
avec Lise et en lui indiquant que franchement, elle est dure cette Épopée, et
que je commence à me demander si on va réussir à rallier l’arrivée tous
ensemble, je vois un panneau signalétique indiquant le Ravel à 3km. Le Ravel,
c’est un réseau d’anciennes voies ferrées transformées en route pour vélos. Et
là ça me semble évident : on va changer l’étape de demain. Plutôt que de
suivre la Trace au risque d’enchainer les galères, on va prendre le Ravel tant
que c’est possible, puis la route, pour rallier Bertrix. OK, c’est pas la même
aventure, mais on a tous besoin de souffler, de pédaler parce qu’aujourd’hui on
a beaucoup poussé et porté, et puis un peu de bitume permettra aussi à nos
machines d’avoir du repos, car elles aussi sont soumises à rude épreuve. Je le dis à Zouzou, et elle me confirme qu’il vaut
mieux arriver tous ensemble par un parcours un peu allégé que rester bloqué sur
notre Trace et ne pas finir en équipe.
Quand je
raccroche, David vient me voir pour me dire qu’il faut qu’on fasse quelque
chose pour demain car les autres vont raccrocher. Je lui propose mon plan, et
il dit direct banco. Quand je l’annonce aux autres, j’ai l’impression qu’une
chape de plomb est ôtée de leurs épaules. Les sourires reviennent.
On va alors laver
les vélos dans une humeur de plus en plus légère. Les sourires se font plus larges, et les vannes recommencent à fuser. Puis on rentre prendre une bonne douche. Marie
nous propose gentiment de faire une lessive et on ne se fait pas prier.
Une
fois tout le
monde nettoyé, on se retrouve dans la pièce principale du gîte où on va
passer
une excellente soirée. On se goinfre de pizzas, on descend moultes
canettes de
Jupi et de Leffe, on joue au billard, et on finit en short torse-nus
dans les
canapés, à discuter de tout et de rien. Comme dit David, ça tombait bien
que cette soirée-là soit en gîte, c’est pile poil ce qu’il fallait pour
renforcer
encore d’avantage la cohésion du groupe. Après avoir galéré ensemble,
été hyper
solidaires pour franchir les obstacles, on se décontracte en se disant
que
demain sera une étape de transition. Certains oseront même l'expression "étape de repos",
mais
peut-on parler de cela quand il s’agit de traverser les Ardennes
belges ?
On verra ça demain.
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Oui, je rentre (un peu) mon ventre |
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Francky, devant sa consommation personnelle |
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Des bières et du Cétavlon : il en faut peu pour être heureux |
En
attendant, on
profite et on vide encore quelques bières en rigolant. On a convenu de
ne pas se lever trop tôt, et de ne partir que quand la pluie sera
calmée, donc on peut la faire tardive ce soir. Je m’isole dans
un coin pour préparer ce compte-rendu avec mon dictaphone. Il est à ce
moment-là 23h30 et sur les 10 minutes d’enregistrement, il y en aura au
moins 5 où on entend le rire de
Faby en fond sonor.
Cette
préparation
de compte-rendu me force à prendre du recul sur cette journée et sur
l’Epopée
en général, car quand on a la tête dans le guidon ce n’est pas évident
de voir
exactement les choses telles qu’elles sont. Je regarde les copains qui
semblent épuisés, mais soulagés. Heureux mais contrariés. Ce qu’on vit
est formidable, c’est
une aventure géniale, mais pour le moment on n’a pas été épargnés entre
les
chutes, les problèmes mécaniques et les galères de parcours. Qu’est-ce
qu’elle
est belle, mais qu’est-ce qu’elle est dure cette Épopée !
3 commentaires:
Franchement les gars....
CHAPEAU
J'en ai la chair de poule et..........ne riez pas ..les larmes aux yeux.
Allez courage , ça va l'faire
Avec le temps, la difficulté de cette étape s'était un peu estompée. Mais quelle journée de galère !!!
Vous les aurez bien méritées les bières à l'arrivée! Wow!
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