jeudi 27 juillet 2017

Epopée (jour 2 - part1) : à la recherche d'un dérailleur



On se réveille avant l’alarme. La faute à la lumière qui rentre par la fenêtre, ou peut-être le sommeil agité. Lorsqu’on descend, on trouve Francky dans le salon. Il nous annonce que Philippe est là et qu’il est parti chercher « un » pain. Je demande pour m’assurer s’il n’a pas dit « le » pain, ou « du » pain, mais Francky m’affirme que c’est bien « d’un » pain dont il s’agit. J’insiste un peu sur la notion car Philippe nous a promis lors de nos échanges d’email un petit déjeuner de champions. Littéralement, il a écrit « - y a pas de petit déj inclus mais moyennant un suplément de 5€/personne, je peux vous organiser quelque chose de costaud ». On s’attend donc à quelque chose d’à peu près sérieux.
Lorsqu’il revient, il a effectivement acheté un pain. Un beau pain rond, mais unique qui semble faire léger pour les 5 morfales que nous sommes. On le voit ensuite s’activer en cuisine. Il lance des cafés à la senséo et en même temps que le café coule, il bricole quelque chose au-dessus de la poubelle. En fait, il est en train de virer le pourri qui s’est formé en haut des pots de confiture. Et vu le bruit que ça fait, il y en a une belle quantité. On se retrouve attablé pour le petit déjeuner des winners, avec un café, un verre de jus de fruit, deux tranches de pain chacun et de la confiote pourrie. Francky demande du beurre et Philippe lui en trouve après recherche : il est périmé de plusieurs semaines... Je ne veux pas être mesquin, mais franchement pour 5€ par tête de pipe, il se fout un peu de notre tronche là. Il aura quand même la mansuétude de proposer à café à mon frère quand il arrive pour me conduire au magasin, mais apparemment il fera un peu la tête quand l’un de mes comparses demandera un second café un peu plus tard.
Je ne m’attarde pas trop longtemps au petit déj de toute façon, car dès que David est là, on siffle le café et on file vers le magasin de Mons. Je suis fébrile dans la voiture. Pensée positive, bordel !!! 
On se gare devant juste lorsque les rideaux s’ouvrent. Le vendeur a l’air surpris de voir quelqu’un débarquer aussi tôt. Je lui demande s’il vend des dérailleurs SRAM 11 vitesses, quelle que soit la gamme. La réponse est directe, ferme et sans appel : il n’en a pas. Il m’explique qu’avec les nombre de références actuelles, il ne peut pas tout avoir en stock. Je lui explique qu’avoir un modèle de chaque grand marque (SRAM et Shimano) dans chacun des formats (7-8, 9, 10 et 11 vitesses) cela ne l’encombrerait pas tant que ça et ça permettrait ce genre de dépannage. Lui de me répondre que ce n’est pas un souci, que je peux commander et que dans 2 jours il l’aura. Si je commande par probikeshop, je peux me faire livrer le lendemain avec l’option express, et ça me reviendra toujours moins cher qui je le prends chez lui. Hey les bouclards ! Faut se réveiller ! Si vous voulez survivre, il faut proposer un truc en plus ! Si vous n’avez pas de stock et que pour acheter chez vous ça coute plus cher et c’est plus long que de commander sur le net, comment voulez-vous nous convaincre de passer par vous ? Le conseil vous me direz ? Laissez-moi rire ! Souvent les types essaient de vous revendre leur came, pas de vous aider à choisir ce qui vous convient le mieux.
Je sors donc du magasin totalement déçu. Mon dernier espoir s’évanouit. Je me dis que Fab va me reprocher mon manque de pensée positive qui a fait que le type n’en avait pas en stock. On remonte dans la voiture de Dav, et on se dirige vers la maison de Philippe. L’idée c’est de dire aux autres d’y aller, et nous on ira au bureau de David qui se trouve non loin pour chercher une autre solution.
Les copains sont en train de préparer les biclous quand on arrive. Ils sont déçus de notre déconvenue. C’est Fab qui fera office de lieutenant en mon absence (comprenez par-là que c’est lui qui indique le chemin). Première fois qu'il est laché tout seul avec cette responsabilité, les autres tremblent un peu, lui mesure la grandeur de sa mission. On ne s’attarde pas, on file au boulot de Dav.
On monte dans son bureau et pendant qu’il règle quelques soucis de travail, je regarde sur le net ce que je peux trouver. Séverine, ma belle-soeur, qui travaille avec mon frère, me propose un café, mais je refuse car j’ai l’estomac noué. Je ne peux rien avaler. Je me sens même un peu malade.
Je vérifie une chose aperçue hier : chez decath ils ont des modèles en GX et NX en référence. Il n’y a pas de prix et ce n’est pas dispo sur le net, mais c’est indiqué. J’appelle donc au magasin de Mons, puis à celui de Valenciennes, pour recevoir la même réponse : non ils n’en font pas, en tout cas pas encore. Ils ne sont même pas au courant que c’est sur le site. Je commence à désespérer.
Je m’absente pour aller aux toilettes (détail important, n’est-ce pas, mais rappelez-vous que je ne me sentais pas bien... Et puis si, je vous assure, vous allez voir que c’est important) et quand je reviens, mon frère m’indique qu’il a fait une recherche avec des mots clés différents (« cycles hainaut », car le Hainaut est la province s’étendant à la fois sur la France et la Belgique dans laquelle on se situe) et qu’il a trouvé un magasin apparemment ouvert aujourd’hui (et fermé demain) proche de Charleroi, donc à une bonne grosse cinquantaine de kilomètres d’ici. Il me dit d’appeler, que non ce n’est pas trop loin, et qu'il me conduira où il faut de toute façon.
J’appelle donc, et une dame me répond. Je lui demande si elle a en stock des dérailleurs SRAM 11 vitesses. Elle me demande si c’est un dérailleur avant ou arrière que je recherche. Ça ne choque peut-être pas les non-initiés, mais 11 vitesses à l’avant... bin ça n’existe pas, ou alors sur des protos chelous. Je ne me fais donc pas trop d’illusions sur les connaissances techniques de mon interlocutrice et mon mince espoir s’évanouit assez rapidement. Elle me dit alors qu’elle me passe son collègue qui s’y connait « mieux » qu’elle. Je repose donc ma question. Le collègue me répond qu’il en a 1 en stock, un GX. Je lui dis que je le prends. Puis je lui demande le prix, me disant que mon empressement m’a probablement coûté une surcote non négligeable. Mais non, le prix annoncé est décent. Je sens un poids s’enlever de dans mon ventre. Mais je ne suis pas encore sauvé, car il me faut un nouveau plateau aussi. Je lui demande donc « plus tricky... Avez-vous des plateaux en direct mount ». Ce sont des plateaux vraiment spécifiquent, qui se montent directement sur les pédales sans l'intermédiaire d'une étoile (le montage courant) et le plateau dépend également de l'empreinte de la pédale (les SRAM sont très spécifiques, mais les plus répandus). Et là, sa réponse m’ôte tout doute concernant ses compétences. « Offset 3 ou 6 ? ». Il me faut du 6, mais à ce moment-là je pense qu’un 3 devrait pouvoir faire l’affaire. Je lui réponds donc du 6 et il me dit : « ah dommage !!! En 3 j’ai plein de choix. En 6 je n’en ai qu’un ». Oh que je m’en moque, tant qu’il en a 1 ! Ce plateau pourrait être en 38 dents (je roule en 26 et plus il y a de dents, plus c’est dur en montée) que le prendrais quand même ! Et quand il me dit que ce plateau est en 28 dents, je serais prêt à l’embrasser par le combiné. "Un détail néanmoins, me précise-t-il, ce plateau n’est pas rond. C’est un plateau elliptique". Ce sont des plateaux spéciaux, censés optimiser le pédalage, mais cela reste très contreversé. Mais c’est encore mieux, j’étais justement curieux d’essayer. Je lui indique donc que je le prends, cette fois sans demander le prix parce que de toute façon je sais que je vais le prendre. Je lui demande de me le mettre de côté. Je lui demande s’il pourra me monter le tout, et là c’est un refus. Il a trop de taf en atelier actuellement. Je lui explique mon histoire et le fait que je ne dispose pas d’outil pour démonter le pédalier, du coup il accepte de monter le plateau, mais il faudra que je gère le dérailleur moi-même. Pas de problème, je sais faire !!!
Je raccroche, et pour la première fois depuis ce qui me semble des lustres, je souris. Mais genre je souris avec plein de dents. Je n’arrive pas à y croire : je vais pouvoir réparer le biclou. Je suis tellement content, et je crois que ça se voit car Sev et Dave affichent également un large sourire. Et là vous comprenez que c’était important que j’aille aux toilettes, car si je n’y vais pas, David ne fait pas sa recherche. Pas de recherche, pas de trouvaille de magasin, pas de magasin, pas de matos, pas de matos, pas d’Épopée !!! On me reproche souvent mon côté pipi/caca, mais c’est parfois salvateur !
On embarque vite fait dans la camionnette, et on file vers Charleroi. Le trajet dure bien 45 minutes, pendant lesquelles je me décontracte un peu, mais je reste prudent. Tant que le vélo n’est pas réparé, je reste prudent. On profite de ce trajet pour papoter entre frangins et j’apprécie pleinement le moment. En même temps qu’on échange des anecdotes sur ce qu’on a fait ces derniers mois, je réalise à quel point je suis chanceux d’avoir une telle famille, avec laquelle je m’entends super bien, et sur laquelle je peux compter. Je l’ai toujours su, ce n’est pas quelque chose que je découvre, j’ai toujours été convaincu que je pouvais compter sur mes parents ou sur mes frères. Mais là je l’ai vécu. Et mon frère est en train de me sauver mon Épopée. Je suis probablement en train de vous bassiner avec tous ces beaux sentiments que j’ai déjà exprimés dans le post précédent, mais il faut que vous imaginiez la gratitude que je ressens à ce moment. Je n’ai pas eu le temps de demander quoi que ce soit qu’il s’était déjà arrangé pour libérer sa matinée. Lui et mon petit frère étaient prêts à me filer leur vélo pour toute la semaine sans aucun soucis. Et mon père m’a indiqué à plusieurs reprises que je pouvais l’appeler pour venir m’apporter un truc n’importe où dans la semaine.  Et je sais que chacun d’entre eux était sincère. Je ne doute pas que ma mère serait prête à rouler de nuit pour moi (elle déteste ça) et la veille Zouzou était prête à me ramener mon autre biclou depuis la Lorraine. À ce moment précis de l’aventure, je mesure toute la chance que j’ai d’avoir cette famille à mes côtés.
Arrivés aux magasins, j’achète les pièces, ainsi qu’une chaine qui me coûte un rein (dire qu’on s’est moqué de Fab qui initialement avait pris une chaine de secours dans son sac de 10 kg) et des maillons attache-rapides. La facture est salée, mais je m’y attendais. Je monte méticuleusement le dérailleur dehors, puis je vais voir pour que le monsieur me monte le plateau. Il m’indique de rentrer mon vélo. Je vois bien qu’il fait un peu la tronche en voyant que c’est un Canyon, la marque détestée par le vélocistes car vendue exclusivement en direct sur le net. Mais il ne dit rien et fait le montage quand même. Je sens bien qu’il est moins loquace, mais il fait le travail proprement (sous mon regards scrutateur). Je finis le montage sur le parking : longueur de chaine, réglage de tension du dérailleur, butée basse, tension du câble, butée haute. Je fais un ou deux tours sur le parking pour tester le tout et affiner le réglage de tension. Les vitesses passent parfaitement. Tout a l’air ok. Le vélo est réparé. 
Je n'ai malheureusement pas de photo de ces moments, j'étais trop préoccupé par la réparation du biclou que je n'ai pas pensé à sortir le téléphone pour graver ces images.
J’appelle les copains pour leur annoncer la bonne nouvelle. Je les entends exulter de joie. Eux aussi ont vécu cette galère avec lourdeur et mon abandon leur aurait pourri l’aventure. Fab m’a même annoncé qu’il n’imaginait pas continuer sans moi.  Je regarde où ils sont et où on pourrait se retrouver, et le point de rendez-vous idéal est un petit village nommé Merbes Le Chateau (commune d'Erquelines). David et moi y arrivons les premiers et on cherche un endroit pour manger. Évidemment tout est fermé, mais dans un bar on m’indique que les pistolets (sandwitch) de la supérette sont très bons. Bon bin ça fera l’affaire. 
Les pistolets y sont très bons

Les copains arrivent et quand je les vois apparaitre au bout de la rue, ça me fait tout drôle. Déjà, je me rends compte que c’est vrai que ça claque de voir 4 gugus arriver avec les mêmes maillots (quand on était 11 ça devait vraiment déchirer, on ne se rend pas bien compte quand on fait partie de la troupe). Et puis je me dis que je vais retrouver ma place dans l’équipe. 
On va acheter les fameux pistolets qui sont en effet excellent. Dans la supérette ils ont des bacs au frais avec des préparations de type filet américain. On prend ça avec une bière et on se restaure assis sur la margelle d’une fontaine à côté. 
Sandwitch and beer

Pique-nique dans la rue

La bonne humeur est revenue et on débriefe de la nuit et du petit déj chez Philippe en rigolant. On espère que les hébergements suivants seront mieux et je leur promets que le petit déj du lendemain devrait changer du tout au tout. Ils me racontent leur matinée, leur traversée de hameaux de Rintintous, leur passage dans les ronces. Ils ont fait 30 km pas trop compliqués d’un point de vue relief, mais avec quelques obstacles végétaux apparemment. On finit le repas par un donuts, puis je remonte mon porte-bagage sur le biclou. J’accroche mon sac, et c’est officiel : je suis de retour dans la danse !
Je remonte le porte-bagage

On bricole le porte-saucisson

Fab commence à ressentir une gêne

Je remercie une dernière fois mon frère, et nous mettons en route. Il nous regarde partir, avec un peu de regret : l’aventure s’arrête ici pour lui, en tout cas pour le moment. Il nous avait proposé de conduire le camping-car dans le cas où on n’aurait pas trouvé d’hébergement, et je pensais qu’il n’était pas sérieux. En fait, il l’était carrément, et encore plus aujourd’hui. Si d’aventure on devait organiser un nouveau périple, il serait directement volontaire pour faire chauffeur. Il souhaite juste qu’on fasse cela en début juillet pour qu’il puisse suivre l‘étape du Tour en nous attendant l’après-midi. Mon père serait également intéressé. Pourquoi pas... on note l’idée pour plus tard.
C'est par là

5 commentaires:

Unknown a dit…

Arrête couillon tu vas faire pleurer ta mère.
Nous quand on te lit on est heureux , on se dit qu'on a réussit votre éducation. la famille c'est sacré.
Mais tu sais tes AMIS..........ils sont FORMIDABLES !!!!
A demain pour de nouvelles aventures

Obo a dit…

Ca se lit comme un roman. La suite, la suite !

Unknown a dit…

The Chacals Verts diaries...Your adventurous journey will be engraved for generations to come ;)

Great read!!Keep creating good things:)

Fabulous Fab a dit…

Je tiens à dire que Philippe avait quand même prévu une banane par personne pour le petit-déj, je pense que c'était là sa notion de petit-déj costaud :-).

S'il est vrai qu'Olivier a des amis formidables :-), il a aussi une famille formidable et je peux en témoigner!!

Merci encore à tous les Fabbri du nord pour votre super accueil, c'était top de chez top :-)))
A bientôt

Unknown a dit…

Quel soulagement de lire enfin la phrase salvatrice "Le vélo est réparé". :-)