mercredi 26 juillet 2017

Epopée (jour 1 - part 2) : l’ascenseur émotionnel



Nos Totalistes se retrouvent seuls, certes, mais pas pour très longtemps. Une fois les remparts de Condé, et par cette occasion les premiers escaliers de notre Epopée passés, on retrouve à l’entrée de Chabaud Latour mon copain Nico. Il aurait voulu faire la première étape avec nous mais ne pouvait pas pour cause d’absence de vélo et de marmot à garder. Par contre, il nous a filé rencard sur le chemin et nous attendait avec biscuits apéro et bière. On passe un petit quart d’heure avec lui à papoter, à discuter du passé, enfin de trucs de vieux potes qui se retrouvent. C’était vraiment sympa de le retrouver là et vraiment cool de sa part de nous avoir offert la bière. Il nous propose même de remporter les restes. On refuse pour ne pas se charger, mais on regrettera plus tard. Les autres Chacals sont vraiment ravis de cette visite inattendue (je ne les ai prévenus qu'au dernier moment) qui permet de se rafraichir et de rencontrer encore une nouvelle personne symapthique. Malheureusement on n'a pas pensé à faire une photo de ce moment.
On quitte Nico pour remettre en route car on n’est pas en avance sur le programme. On traverse Chabaud Latour et c’est l’occasion pour moi de raconter quelques autres anecdotes aux copains. Ce début d’étape est pour moi une plongée dans mon enfance, et nous traversons quelques lieux cultes qui font remonter des souvenirs intenses. Je revis ces émotions avec  bonheur et une certaine nostalgie. Mais qu’est-ce que c’est bon ! Je suis tellement content de ce début d’Épopée qui se passe idéalement : la famille et les copains au rendez-vous, tout le monde heureux, c’est le pied. Avec mes copains, on est parti pour une semaine d’aventure en tout liberté. On est des loups ! Ahhhhouuuuuuuuuu !!!
On quitte la France et entrons en Belgique au niveau de Bernissart. C’est là qu’on a prévu de manger, mais Francky nous fait vite comprendre qu’il a envie de rouler un peu. On décide donc qu’on trouvera à manger plus tard, ce qui n’arrivera pas. Au bout d’un moment on se rend à l’évidence, il n’y aura rien sur la route et on décide que des barres céréales feront un repas plus que suffisant. En même temps, avec tout ce qu’on a mangé la veille, on a des réserves. Sur les photos suivantes vous ne verrez pas le chef : il se sauve car il est encore dans son cuissard-dentelles sans t-shirt et ne veut pas qu'on le photographie.
Bon apétit bien-sûr !

Benji préférerait une salade de quinoa


On repart de cette pause en se disant qu’on est vraiment facile en cette première étape et qu’on sera vite arrivés à la destination. Il ne reste que 30 km quand après une petite montée je me retourne pour m’assurer que les copains voient que je prends à droite. Se faisant, je sors un peu du chemin et fait lever une branche. Celle-ci se prend dans ma chaine. J’arrête de pédaler dès que je sens une résistance. Benji, derrière, dit un truc du genre « oh merde... ». Je me retourne, et par terre, je vois ça :

Oui... c'est bien un derailleur explosé

Les fibres de carbone explosées ne me laissent aucun doute : le dérailleur est explosé. Je laisse échapper un « Noooooooooooooooon !!!! » de détresse. C’est fini. L’Épopée est déjà terminée pour moi. Je ne peux pas réparer ça, et je n’imagine pas terminer les 6 étapes en mono-vitesse. Je suis effondré. Les copains essaient de leur mieux de me rassurer. « Mais tu vas savoir le réparer ! Tu sais tout réparer ». Mais pas là. Pas ça. Sans la pièce, c’est foutu. Je suis dévasté. J’essaie de reprendre mon calme, d’analyser froidement la situation, mais je ne peux pas. C’est trop important. J’ai trop voulu faire cette Épopée, c’est le gros moment vélo de l’année. Et il s’arrête là, ici, bêtement, alors que je n’ai même pas fait le con. Ce dérailleur qui a plus de 6000 bornes, avec des passages techniques, des descentes chez Absalon et en bike parc, qui explose à cause d’une petite branche de merde qui est venue se placer pile où il ne faut pas. C’est trop injuste, trop de malchance, trop les boules.
Je finis par me reprendre à peu près en main, et je dérive ma chaine pour passer en mono-vitesse. Le plan : finir l’étape en mono et voir si on trouve un bouclard à Mons pour acheter les pièces qu’il me faut. Une fois l’opération effectuée, on redémarre et je tâche de positiver. Je peux encore rouler, rien n’est perdu.
Forcément il va marcher beaucoup moins bien

Par deux fois, je fais arrêter les copains pour rediminuer la chaine. Le problème c’est que ça ne tombe pas forcément juste sur un développement et la chaine à tendance à se placer dans la position la plus tendue possible. Du coup je me retrouve souvent à pédaler dans le vide. Je finis par avoir un développement correct, mais la chaine est vraiment très tendue. Ça fait un bruit pas terrible de temps en temps, comme un claquement, et je sens que c’est pas génial pour la chaine et sans doute la cassette. Pas grave pour la chaine, je la changerai en même temps que le dérailleur, mais la cassette ça m’agace un peu.
En même temps qu’on pédale, je réfléchis aux différents scénarios possibles et je me résous à prévenir ma famille. Je préférerais m’en sortir tout seul, et je me dis qu’ils doivent passer une bonne après-midi, que ma mésaventure risque de leur gâcher, mais je suis conscient que je ne suis pas méga lucide et ils pourraient être de bons conseils ou d’une bonne aide. J’appelle chez mes parents et mon père ne me croit initialement pas. Mais mon ton ne laisse pas longtemps place au doute. Immédiatement, mon père et mes frangins se portent volontaires pour m’aider. Je leur explique que ça va aller pour aujourd’hui, que je vais finir en mono-vitesse, et que je tâcherai de trouver un bouclard sur Mons. Ça me fait du bien d’en parler aux miens et je sens à la voix de Zouzou qu’elle est limite aussi triste que moi. Elle sait à quel point ça compte pour moi cette aventure.
Lorsque je raccroche, d’après les témoignages reçus à l’arrivée, ça a été l’abattement total chez mes parents. Tous les présents (ma famille, donc, ainsi que Michel et Eléonore) sont désolés pour moi et cherchent une solution pour m’aider. Le petit frère recherche les magasins de vélos, alors que le grand appelle les gens de son équipe pour leur déléguer son boulot et annuler ses réunions du lendemain matin : il ira me conduire où il faut, mais il me fera reprendre ma route.
De mon côté, je constate que mon plateau a une drôle d’allure. Je me rends compte que le bruit de claquement vient de lui. Sous la pression de la chaine il a commencé à se déformer puis fissurer. 20 kilomètres avant l’arrivée, il explose. C’est le deuxième coup derrière la tête. Autant j’avais bon espoir de trouver un bouclard qui vend des dérailleurs 11 vitesses, autant des plateaux en direct mount je ne suis pas convaincu du tout. Cette fois, je ne peux plus continuer. Je rappelle chez mes parents pour qu’on vienne me chercher. Mon grand frère m’annonce qu’il met en route illico. Je marche à côté du vélo pour rejoindre le point de rendez-vous et, sous l’insistance de David, je remonte dessus et il me poussera jusque-là.
On attend une bonne demi-heure, pendant laquelle Benji jette un premier oeil sur les bouclard de Mons qui ont l’air tous fermés, sauf un, qui par ailleurs semble être assez grand. On espère donc qu’il aura un peu de stock. Je suis prêt à payer le prix fort, voire à en profiter pour passer en eagle (12 vitesses), même si ça doit me coûter un rein. Faby nous explique que bientôt ce sera la fin de la galère, et qu’en plus à notre arrivée sans doute on se fera payer une bière par Philippe, notre hôte du soir, qui a l’air super sympa.
L'attente

On voit enfin débarquer la camionnette du frangin. À son bord : les deux frères et le père. Armés d’une glacière remplie de bières (cachées sur la photo sous les bouteilles d'eau) , ils ravitaillent la troupe. Je m’apprête à charger mon vélo, puis constate qu’il n’y a que trois places dans le fourgon. Mon grand-frère me dit « ah mais toi tu finis en vélo. Tu choisis celui de Matthieu ou le mien, et tu finis dessus ». Cela fait renaitre un sourire. Je vais finir l’étape. Je choisis celui de David car ses composants sont compatibles avec ceux de Benji. On ne sait jamais, si je casse un truc... on devient très prudent après une telle première étape. Je ne peux pas charger mon porte bagage dessus à cause des câbles. J'essaie donc de mettre mon sac sur mon dos, mais ça ne passe pas, les anses dont trop justes. On essaie de le monter à l'envers sur le sac du chef, mais ce n'est pas très stable. Du coup les 3 Fabbri l’embarquent, avec mon vélo, et me le ramèneront au point d’arrivée. Ils nous attendront là-bas.
De gauche à droite : Pitivier, Tassin et le sergent-chef Chaudard

On remet donc en route. Je suis content de rouler à nouveau, mais je suis assez pressé d’en finir. Je crois que c’est le cas pour l’ensemble de la troupe, alors on roule assez vite. On torchera les 20 km restants à un rythme assez élevé. Pour la première fois de l’Épopée, chose totalement impensable lors du Périple, je prendrai même des libertés avec la trace afin d’éviter de serpenter inutilement dans Mons : mon père et mes frères nous attendant à l’arrivée, et j’ai vraiment envie d’en finir.
Lorsqu’on arrive à notre hébergement, on trouve les 3 Fabbri à l’intérieur, des canettes à la main. Faby nous annonce « Ah ! Philippe a dû leur servir une bière ! J’en étais sûr que c’était un bon gars ». En fait, Philippe n’est pas là, et comme annoncé par mail à Faby, il avait laissé la clé dans la boite aux lettres. Lassés d’attendre dehors, les 3 lousticks sont rentrés attendre à l’intérieur. Quant aux bières, ce sont les cadavres de tout à l’heure, qu'ils ont utilisé pour nous faire croire qu'ils festoyaient. Je les remercie chaleureusement pour leur assistance et leur patience. Eux cherchent à me rassurer, m’indiquant que chacun d’entre eux fera ce qu’il peut pour que je puisse finir mon aventure. Ca fait chaud au cœur. David m’indique qu’il vient me chercher demain et qu’il m’amènera au bouclard qu’on a repéré. Leurs recherches les ont également conduits à ce même vélociste. En plus ce n’est pas loin de son boulot, donc il m’assure que cela ne le dérange pas du tout. Et si jamais il n’y a pas ce qu’il faut, on trouvera une solution ensemble. « Mais tu repartiras ! » me dit-il. Je ne suis pas encore totalement rassurée, par contre je me sens vraiment heureux de tout ce soutien.
La fourgonnette s’éloigne, avec à son bord mon équipe de secours de l’extrême, et notre équipe de Totalistes découvre son logement. On dispose de trois chambres et on se répartit parmi elles : Benji seul dans celle du bas car il ronfle fort, Dave et Francky dans une du haut, Fab et moi dans l’autre. La visite des lieux nous donne l’impression que notre venue n’est pas tout à fait préparée. Des fringues trainent un peu partout, les objets sont placés comme si clairement il y avait de la vie ici et qu’elle ne s’arrêterait pas avec notre présence. Faby est un peu surpris, il nous dit que d’habitude en AirBnB, en particulier dans les cas où, comme à présent, on loue la maison entière, c’est comme pour une location de vacances : on devrait pouvoir disposer de tout, et la maison devrait être « débarrassée » des objets du quotidien des habitants. Là on a vraiment l’impression de débarquer en plein milieu de semaine chez un célibataire peu précautionneux. Qu’à cela ne tienne. On prend notre douche, on se change, et on se dirige au resto, chez Léon de Bruxelles.
Là, on a tellement faim que 3 d’entre nous prennent les moules à volonté. Faby annonce qu’il en mangera 5 marmites. Évidemment, il calera à 2 comme nous tous. Il se désolera avant cela de l’absence de Tchips, (chips en belge, enfin avec l'accent belge de Benjou) qu’il réclamera au serveur, lequel répondra que ça c’est bien un truc de Français, et que eux ne servent que des olives à l’apéro. Quand Fab verra des cacahuètes à la sortie, il sera à moitié fou.
Je passe avant le repas un coup de fil à Zouzou qui vient de rentrer chez nous. Celle-ci me propose de me ramener mon deuxième vélo. Ça lui fait une sacrée route juste pour me dépanner, mais si ça peut me sauver mon truc elle n’hésitera pas une seconde. Malheureusement je n’ai pas encore remis en état mon Cannondale qui a besoin d’un remplacement de boitier de pédalier. Le pire c’est que j’ai les pièces de rechanges, mais je n’ai pas pris le temps de le faire depuis qu’on a constaté qu’il était bloqué (il y a 1 mois environ). Je pourrais bien lui faire ramener le vélo et les pièces, mais ça fait beaucoup de bazar, et je décide de ne garder cette solution qu’en extrême limite. En tout cas, à nouveau je ressens tout l’amour de mes proches tous prêts à se mobiliser pour que puisse aller au bout de l’aventure. Habituellement Zouzou se moque un peu de mes pérégrinations en vélo, mais pour ce genre d’aventure qui me tient tant à cœur, elle se sent bien plus concernée.
Je rejoins mes amis pour le repas, que l’on accompagne de grosses bières bien balèzes. Autant se fumer, au moins on ne rumine pas. Benji, qui a pris un menu, deale avec le serveur pour échanger son dessert contre une binouze. Celui-ci accepte mais lui sert une Maes, ce qu'il n’aime pas trop. Décidemment, le service chez Léon n’est pas hyper commercial.
On retourne chez notre ami Philippe, qui est rentré entre temps. En tout cas, on a des traces de sa présence : sa voiture est là, et les fenêtres de nos chambres ont été ouvertes. Ok... Par contre point de trace de notre hôte qui ne daigne pas sortir de l’antre où il s’est terré pour nous dire bonjour. Bon bin on le verra demain. En attendant la bière de bienvenue tant attendue par le Fab, c'est dans le baba.
Chacun file dans son lit pour une nuit de repos bien méritée. Avant de dormir, je reconsulte internet pour trouver tous les bouclards de Mons et environ. Pas de bonne surprise, le lundi c’est majoritairement fermé. Bon, on verra demain. On entend les ronflements de Benji monter jusque nous. Quand il en écrase celui-là, c’est pas à moitié.
Je finis par fermer les yeux en repensant à cette journée placée sous le signe de l’ascenseur émotionnel : quel contraste entre le bonheur de ce superbe moment passé avec la famille et les amis hier et ce matin, à la fois chez mes parents et sur le vélo, la détresse de voir mon Épopée se terminer prématurément ! J’ajoute à cela le sentiment de se sentir aimé et soutenu par tout le monde qui veut que je puisse repartir. C’est terriblement intense. J’avoue qu’à ce moment-là je préfèrerai ressentir des émotions plus neutres et être certain de repartir le lendemain, mais avec le recul, quelles sensations puissantes !
Au moment de m’endormir, j’essaie la positive attitude à la demande de Faby : si j’y crois fermement, il y aura ce qu’il me faut au bouclard qui est ouvert. J’ai beau essayer, je n’y crois pas...

3 commentaires:

Barlout a dit…

Je sais ce qui va se passer et pourtant je suis à fond dans le récit...mais que va-t-il se passer ??? Trouvera-t-il de quoi réparer ???? Fin d’épopée pour toi ????? Je vais pas fermer l’œil de la nuit tant que je n’aurai pas la suite !

Unknown a dit…

ouais!!! pareil pour moi

et alors...... et alors ????????

Fabulous Fab a dit…

C'est vrai que j'ai dit à Olivier de positiver et qu'il n'y arrivait pas. Mais pour qu'il relative un peu, je lui ai aussi dit qu'il aurait pu se casser une jambe et que ça aurait définitivement stoppé son Épopée :-)).

En tout cas, je ne pourrais jamais oublier cette 1er journée d'Épopée avec ses bons et mauvais moments!!